Dans ma maison envahie par les anges, il y a de petits mots accrochés aux miroirs, des histoires posées dans les tiroirs, embusquées dans ma mémoire.
Déjà des souvenirs immenses qui dansent un peu partout.
Il y a aussi les maux qui chahutent le temps des rêves, comment faire pour dire le feu et la soie sans mettre côte à côte des lettres souvent meurtrières ? 26 magnifiques caractères, nos belles romaines, sont autant de maîtresses capricieuses, que de danseuses envoûtantes, qui d’assassines se pavanent en mutantes divines.
Tout peut, être dit, construit et détruit avec 26 lettres et quelques ponctuations.
C’est peu pour raconter la vie, une sorte de miracle.
Les messages sont comme les reflets de nos escapades à fleur de Seine ;
où les cygnes ont niché ce printemps, je m’en souviens, comme de ce soleil d’avril qui n’a pas effacé nos sourires nos premiers rires.
Et cette carte d’un format qui avait étonné le facteur, paysage réel mirage à la Turner, j’en ai caché les mots et gardé la vision sauvage, je l’ai accroché sur l’un des murs du salon; entre une icône russe et un cœur surmonté d’un ange de plâtre blanc.
Ma main glisse malgré moi le long de mon cou pendant que je relis des lettres et des cartes,
– Est que tu viens nous retrouver à Belle Ile?
– J’ai failli t’attendre !! encore une fois mais je t’aime E.
– Fidèle a toi Paul, baisers de Corse
– Carrissima Lisa, come stai ?
Ma main continue d’effleurer mon cou, elle est fraîche, et je viens juste de comprendre pourquoi elle se pose ainsi lorsque j’ouvre l’arc en ciel des souvenirs, elle caresse ma peau à la place des mots.
Et puis des fax devenus quasi illisibles, mais encore quelques traces qui me rappellent que le monde se partageait en deux, eux, et nous, tu renvoyais chacun de mes croquis avec un petit mots et cet epsilon en guise de signature.
Il m’arrive parfois, quand mes idées se fondent ou le cœur s’effondre, lorsque je ne peux atteindre les mots, de parler seule. Ce sont souvent des choses incohérentes, généralement, ils sont dans la lointaine continuité d’une lecture ancienne, d’histoires entendues.

En lisant une longue, très longue lettre, j’ai compris trop tard, que j’ai voulu répondre souvent à la place de celui qui me prenait la main, j’aime les mots de l’amour, je suis amoureuse de l’amour et alors? Mais j’en ai payé le prix, je ne le regrette pas c’est un délice sans comparaison que de dire la douceur.
Le temps de l’amour le vrai, et même si ça ne dure qu’une saison, ça se hurle, ça se fredonne, ça éclate et le vol de l’ange se termine dans les bras aimés et rassurés de l’être chéri.
Aimer ça ôte la peur, pour moi c’est ainsi

Il m’est tendre d’écrire, il m’est vital de poser côte à côte ces lettres qui racontent un peu de vous, un peu de moi, un peu de lune et de soleil qui jamais ne se rencontrent sauf dans les chansons !
Le lit est recouvert de petits mots de grande importance, de photos et de baisers éparpillés, ce soir dans ton grand pull noir je vais, entre les pattes de mon petit animal mon fruit ma princesse, ma chatte dormir au milieu de joli bazar.
Et demain je reprendrai ces 26 lettres pour raconter , chanter autre chose….
Lise Dest
09 janvier 2008